La mise en perspective de l’espace de notre bureau et de nos parcelles illustre la méthode développée au sein de Paludes : un travail partagé entre deux sites, d’une part l’espace exigu de l’agence à l’intérieur duquel s’ouvrent pourtant les horizons du travail sur plans, de l’autre, le terrain de production dans les marais de Bourges, lieu de la finitude et de la mise en actes. 

Ce va-et-vient entre dessin et prototypage s’énonce à la fois comme une manière et comme un engagement. Il nous permet de recoller les phases qui découpent un projet et de redistribuer ce qui pourrait être canoniquement défini comme les grands moments du métier : la conception, la réalisation et le suivi. Plutôt que de suivre une construction par étapes successives, les différents segments du processus s’enchâssent entre eux dans nos projets. Ils répondent alors à un calendrier très long, souvent pluri-annuel, donnant lieu à une constitution progressive qui intègre nécessairement la gestion et dont la mise en forme est fonction des accidents du vivant et du site. 

Cet agencement nous invite sur le plan spatial à nous saisir alternativement de la petite et de la grande échelle. Nous nous appliquons tantôt à trousser un détail jardinier, tantôt à réemployer des formes vernaculaires qui par l’usage donnent figure à des sections de jardin, tantôt à imaginer et mettre en oeuvre des gestes qui transforment structurellement un territoire donné. 

L’attention portée au détail nous porte volontiers vers les travaux d’Olmsted, des Plantsmen anglais, du service des promenades et des plantations conduit par Adolphe Alphand, à l’intersection entre architecture, art des jardins, ingénierie et naturalisme. S’emparant des méthodes et outils propres à ces différents champs, ceux-ci insistent tout autant sur le tracé fondateur d’un site que sur l’angle précis d’une taille ou l’ornementation d’une clôture. Outre une méthode en tension entre les échelles, nous partageons volontiers avec ces figures tutélaires un goût un peu baroque pour le décor, pour l’ornement, comme espace de prise de consistance de la plus petite échelle et comme exercice de style. 

Evidemment, il ne s’agit pas pour nous de prétendre à la même compétence que celle des entreprises avec lesquelles nous travaillons, mais plutôt de se doter d’un savoir-faire agricole, jardinier, botanique afin de parvenir à repenser la notion de conception dans un mouvement de flux et de reflux entre dessin et mise en oeuvre. Nos projets cherchent à se clarifier progressivement dans la mise à l’épreuve de leurs différents temps de réalisation. De chantiers en chantiers, assimilant à chaque nouveau temps fort les évènements du vivant survenus depuis notre dernier passage, le site tire sa forme de la mise en dialogue entre ses propres dispositions et nos choix successifs.